L'Enseignement
Assisté par Ordinateur (EAO)
Les didacticiels
Né du traitement informatique de l'enseignement programmé, qui
découpe les connaissances à acquérir en éléments simples, du plus
élémentaire au plus complexe, l'EAO (Enseignement Assisté par Ordinateur)
fonctionne sur le modèle béhavioriste, selon le schéma stimulus-réponse-évaluation.
Ainsi chaque réponse de l'apprenant déclenche celle de l'ordinateur,
conformément à ce que le concepteur du logiciel a prévu. L'EAO regroupe
l'ensemble des didacticiels (logiCIELS DIDACTIques), répartis en
deux principales familles : les exerciseurs et les tutoriels. Bien
entendu, les outils logiciels au service de la pédagogie ne se limitent
pas à ces seuls produits...
Les exerciseurs visent prioritairement à consolider une
notion, grâce à un entraînement basé sur la répétition. Le parcours
de l'élève ne s'adapte pas finement à ses réponses, qui peuvent
être validées ou non, corrigées ou non, mais rarement commentées
dans une réelle perspective de remédiation. L'exerciseur peut également
constituer un outil d'évaluation, grâce au traitement informatique,
sous réserve que les réponses attendues ne soient pas ouvertes.
Les compétences mises en oeuvre sont plutôt d'ordre disciplinaire
(lecture, orthographe, géométrie, calcul mental, ...).
Les tutoriels en revanche dispensent un contenu, une matière
d'enseignement, dans un environnement interactif au sein duquel
la réussite de l'apprenant est une priorité. Employées à bon escient,
les ressources multimédias (texte, image, vidéo, son) facilitent
les apprentissages. L'ordinateur sait mettre en scène des animations
interactives capables de simuler des phénomènes naturels, expérimentaux
ou des concepts (la notion de division, de fraction, de nombre,
une pesée, le fonctionnement d'un organe, d'un moteur, l'évaluation
des grandeurs, le passage d'une écluse, un circuit électronique,
le cycle de l'eau, ...).
Acquérir et utiliser des didacticiels
Intérêts
et limites de l'E.A.O.
Les logiciels d'EAO présentent un intérêt manifeste dans les situations
pour lesquelles ils ont été conçus, à savoir :
- Des activités où la machine peut remplacer l'enseignant, quand
elles sont ponctuelles, cadrées et en liaison directe avec la
vie de la classe ;
- Des activités que seule la machine est en mesure de proposer
(animation, simulation) ou pour lesquelles l'ordinateur apporte
une valeur ajoutée appréciable (motivation et autonomie
des élèves, collaboration, messages sonores, lecture
des images, traitement des résultats, ...).
Les limites des logiciels d'E.A.O. sont fixées d'une part
par la machine et sa programmation et d'autre part par l'usage abusif
qui peut en être fait. L'enseignant doit avoir conscience
que l'E.A.O. repose sur cette double erreur :
- L'apprentissage se construit selon un mode linéaire, au cours
duquel l'apprenant serait successivement informé, exercé puis
évalué.
- La machine se substitue à l'enseignant, qui n'est plus indispensable.
Pour ou contre
les logiciels d'E.A.O. ?
On ne peut décemment se prononcer "contre les logiciels
d'E.A.O.", dès lors que l'on admet qu'ils ne constituent qu'un des
outils au service de la pédagogie. Bien plus que le logiciel lui-même,
c'est l'activité qu'il engendre qui doit trouver un sens dans la
pratique pédagogique, grâce à des objectifs et des stratégies clairement
déterminés.
L'E.A.O. a ses détracteurs, dont le discours est largement alimenté
par cette transhumance hebdomadaire de demi-classes en salle informatique,
au cours de laquelle les élèves s'emparent d'A(tout)di ou Atout-clac
sous la houlette de l'assistant d'éducation. Néanmoins, il
semble prudent de ne pas brutalement condamner cette forme d'organisation,
dans l'espoir qu'elle évolue progressivement, avec la banalisation
des TICE à l'école. Aux enseignants donc de prendre conscience,
à travers leur pratique professionnelle, des véritables enjeux pédagogiques
liés à l'utilisation de l'outil informatique, en faisant notamment
le deuil du plan IPT dont les séquelles demeurent vingt ans plus
tard. Car tout discours, aussi officiel soit-il, ne saura remplacer
le temps, la volonté d'expérimenter, la formation continue et l'aide
sur le terrain, autant de conditions indispensables à l'intégration
(la vraie !) des TICE à l'école.
Evaluation
d'un logiciel d'E.A.O.
On peut distinguer quatre parties dans une grille d'évaluation :
- Carte d'identité
- Caractéristiques techniques, configuration (son , environnement,
compatibilité réseau, ...)
- Diffusion (prix), public, auteur, éditeur, support
- Description sommaire, tel que l'auteur ou l'éditeur
peut le présenter
- Analyse objective
- On décortique, si possible à l'aide d'une grille.
- Les renseignements de tous les "testeurs" sont
très proches :
- Esthétique, navigation, ergonomie, ...
- Traitement de l'erreur; aide contextuelle, ...
- Gestion des résultats, des groupes, des élèves
- Types d'exercices proposés
- Valeurs ajoutées par l'interactivité et
le multimédia
- Pertinence des contenus, personnalisation (logiciel
"ouvert" ou "fermé")
- Documentation (papier, logicielle)
- Analyse subjective
- Plus empirique, dépendante de son vécu, de ses références,
...
- Exploitation pédagogique
- Conditions d'utilisation, organisation possible, scénario
pédagogique, ...
- Seul, à deux, à trois, ...
Le "bon logiciel" est celui qui saura apporter un plus parfaitement
identifié dans une pratique pédagogique. Qu'apporte le logiciel
par rapport à d'autres supports ? expérimentation ?
vidéo ? papier/crayon ? livre ? échanges oraux ? ...
Parmi le nombre croissant de logiciels pour l'école, chacun
peut trouver chaussures à son pied à condition de consacrer
le temps nécessaire à l'exploration. Certains logiciels
sont destinés à un usage très ponctuel alors que d'autres s'inscriront
dans la durée. A noter que tout logiciel présente au moins
un intérêt, ne serait-ce qu'aux yeux de son auteur.
N'attendons pas qu'un logiciel soit parfait pour pouvoir l'utiliser !
Adoptons-le pour ce qu'il apporte, en ayant conscience de ses limites,
voire de ses défauts qui ne sont d'ailleurs pas toujours dissuasifs.
Quand bien même un logiciel serait parfait, il ne produira jamais
de miracle, car ce n'est pas lui qui sera déterminant, mais l'usage
qui en sera fait.
Témoignage
Quand avec mon CE2 CM1 CM2, un groupe travaille avec un exerciseur
basique (Jevalue) sur une démarche de calcul mental, je cherche :
- à ce qu'il soit 100% autonome ;
- à ce qu'il s'entraîne sur une notion préalablement abordée
ensemble.
Certes cet exerciseur n'apporte pas une aide personnalisée en
cas d'erreur, fonctionne sur un mode répétitif dans un environnement
austère, mais les enfants l'apprécient, en particulier pour sa correction
immédiate et l'édition d'un score au terme de chaque exercice, qu'ils
peuvent refaire s'ils le désirent. Le dernier score annule les précédents.
L'autonomie du groupe me permet de découvrir une notion nouvelle
avec un autre groupe pendant que le troisième groupe est évalué
sur papier sur la notion découverte dans un premier temps en ma
présence et systématisée dans un deuxième temps sur ordinateur.
Bien entendu, en cas d'échec décelé par l'évaluation papier, ce
serait tout à fait stérile de replacer dans la foulée l'élève
devant le même exercice sur ordinateur ou sur papier.
Fort heureusement, le recours à l'ordinateur ne doit pas être un
passage obligé pour tout ce que l'on entreprend en classe ! Cependant,
l'exerciseur aura beau avoir tous les défauts du monde, il n'empêche
qu'en tant qu'auxiliaire didactique, il peut permettre la mise en
oeuvre d'une situation pédagogique adaptée. Cette phase d'entraînement
est-elle possible sans ordinateur ? Certainement, mais avec
une efficacité moindre et un travail supplémentaire de correction
"mécanique" pour l'enseignant.
Tout logiciel doit répondre à un besoin. Si aucun besoin n'est
identifié, à quoi bon focaliser sur l'ordinateur ?
Rev'erciseurs
On reproche fréquemment aux exerciseurs (*)
de n'être que de stériles cahiers électroniques reproduisant sur
écran les travaux papier/crayon. A la question "faut-il
faire du bled papier/crayon ou du bled électronique ?", ma
réponse est "vive la machine !". Mais la vraie question serait
plutôt "faut-il faire du bled ?!!!" Personnellement, je crois
dans les vertus de l'exercice en tant que gamme d'entraînement à
réinvestir dans une tâche plus "productive". Le guitariste qui mange
des gammes étoffe sa culture musicale, augmente sa technique et
sa dextérité digitale, mais surtout enrichira ses impros pendant
les "boeufs" des grandes occasions.
Qu'apporte l'ordinateur pour la réalisation d'un exercice ?
En vrac...
- Il limite les corrections ingrates de l'enseignant.
- Il varie les situations pédagogiques.
- Il motive les élèves.
- Il modifie le statut de l'erreur.
- Il facilite la poursuite d'un même objectif sans surcharge
cognitive.
- Il augmente le nombre d'exercices réalisés en un temps donné.
- Il peut permettre un apprentissage par essais et erreurs grâce
à une correction non différée.
- Il peut enregistrer, voire traiter les résultats et le temps
de travail.
- Il peut traiter les réponses des élèves en signalant puis classant
les types d'erreurs.
Alors pourquoi faire des exercices papier/crayon quand on dispose
d'ordinateurs ?
- Le parc informatique de l'école n'est pas forcément à la hauteur,
notamment quand les ordinateurs "obsolètes" sont boudés, alors
qu'ils supporteraient allègrement certains exerciseurs.
- L'utilisation du clavier/souris ne doit pas se faire au détriment
du crayon, qui a encore de belles années devant lui !
Attention ! Ces propos ne visent surtout pas à réduire l'informatique
pédagogique aux seuls exerciseurs calqués sur les travaux écrits.
En effet, bon nombre de situations mises en oeuvre grâce à un ordinateur
ne pourraient être vécues sur papier. Mais est-ce pour autant pertinent
et objectif de dénigrer les "cahiers électroniques" sous prétexte
que ces logiciels sous-exploitent le potentiel pédagogique des ordinateurs ?
Contentons-nous modestement de recourir à bon escient aux exerciseurs
dans des situations adaptées, et les enseignants comme les élèves
y gagneront sans aucun doute.
(*) Exerciseur : logiciel répétiteur-correcteur-enregistreur
En savoir plus
- L'utilisation des quiz informatisés (GRID économie-gestion de l'Académie de Créteil)
- Typologie des logiciels, selon Emile Simonnet, ainsi que des
mines d'infos via le sommaire...
- Cédéroms éducatifs : quelle différence
entre l'emballage publicitaire et la mise en oeuvre pédagogique ?
- Usage des logiciels de remédiation dans les écoles
élémentaires françaises (mémoire de
F. Péran)
|